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pas le moindre mousse; et, au lieu d'observer les mœurs des poissons et des oiseaux qui vivent hors du vaisseau, j'étudierais et noterais celles des matelots qui le font mouvoir; car des caractères humains seraient plus intéressans à décrire, non seulement que ceux des animaux, mais même que ceux des hommes qui habitent constamment le même coin de terre, et surtout que ceux des gens du monde, vers lesquels se dirigent sans cesse les observations de nos philosophes.

Les mœurs des gens de mer sont beaucoup plus variées par leur vie cosmopolite et amphibie, et plus apparentes par la rudesse de leur métier et leur franchise, que celles des princes. C'est là que l'on peut connaître l'homme tout brut, luttant, sans cesse et sans art, avec ses vices et ses vertus, contre ses passions et celles des autres, contre la fortune et les élémens. Malgré ses défauts, par lesquels il serait injuste de la désigner, je voudrais rendre toute cette classe d'hommes intéressante. D'ailleurs, il n'y a point de caractère si dépravé, qu'il n'y ait quelques bonnes qualités qui en compensent les vices. Souvent, sous les plus grossiers, comme l'ivrognerie, le jurement, les marins cachent d'excellentes qualités. Il s'en trouve d'intrépides, de généreux, qui, sans balancer, se jettent à la mer pour porter du secours au malheureux prêt à périr; d'au-