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quelques vaisseaux, à les fouetter quand il fait calme, pour faire, dit-on, venir le vent. Ainsi l'homme, qui se plaint si souvent de sa faiblesse, abuse presque toujours de sa force.

Vous conclurez de tout ceci qu'un vaisseau est un lieu de dissention; qu'un couvent et une île, qui sont des espèces de vaisseaux, doivent être remplis de discorde, et que l'intention de la nature, qui d'ailleurs s'explique si ouvertement, est que la terre soit peuplée de familles, et non de sociétés et de confréries.

Après avoir porté ma censure sur les m[oe]urs des gens de mer, il est bon aussi que je l'étende sur les miennes.

J'ai fait une faute essentielle dans le journal de ce mois, en oubliant de rapporter les noms du maître des matelots, et des deux autres infortunés qui furent enlevés d'un coup de mer de dessus le pont du vaisseau, le 5 du mois précédent, vers la hauteur du cap Finistère. A la vérité, ils n'étaient que matelots; mais ils étaient hommes, compagnons, et, qui plus est, coopérateurs de mon voyage sur un vaisseau où je n'étais moi-même qu'un spéculateur oisif et fort inutile à la man[oe]uvre.

J'ai observé souvent dans les relations de voyage des vaisseaux hollandais et anglais, que s'il vient à y périr le moindre matelot, on y tient note de ses noms de famille et de baptême, de