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passage, franc, gai, un peu libertin; à son retour, je le voyais réservé, poli et maniéré. Il était enchanté de l'Opéra de Paris, dont il contrefaisait les chants et les danses. Il avait une montre, dont il désignait les heures par leur usage: il y montrait l'heure de se lever, de manger, d'aller à l'Opéra, de se promener, etc. Cet homme était plein d'intelligence; il exprimait par ses signes tout ce qu'il voulait. Quoique les hommes de Taïti passent pour n'avoir eu aucune communication avec les autres nations avant l'arrivée de M. de Bougainville, j'observai, cependant, un mot de leur langue et un usage qui leur sont communs avec différens peuples. Matté, en langue taïtienne, veut dire tuer. Le matar des Espagnols, le mat des Persans ont la même signification. Les Taïtiens ont aussi coutume de se dessiner la peau, comme beaucoup de peuples de l'ancien et du nouveau continent. Ils connaissaient le fer, qu'ils n'avaient pas; ils l'appelaient aurou, et en demandaient avec empressement; ils avaient des maladies vénériennes, qui viennent, dit-on, du Nouveau-Monde. Mais toutes ces analogies ne suffisent pas pour remonter à l'origine d'une nation: les folies, les besoins, les maux de l'espèce humaine paraissent naturalisés chez tous les peuples. Un moyen plus sûr de les distinguer serait la connaissance de leurs langues. Toutes les nations de l'Europe mangent du pain; mais les Russes l'appellent gleba, les