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partie du chemin. Il n'y avait que trois petites lieues de là à Belle-Ombre, dernière habitation où je devais coucher. Comme mon noir était blessé, la jeune dame voulut elle-même lui préparer un remède pour son mal. Elle fit sur le feu une espèce de baume samaritain, avec de la térébenthine, du sucre, du vin et de l'huile. Après l'avoir fait panser, je le fis partir d'avance avec son camarade. A trois heures après dîner, je pris congé de cette demeure hospitalière et de cette femme aimable et vertueuse. Nous nous mîmes en route, son mari et moi; c'était un homme très-robuste: il avait le visage, les bras et les jambes brûlés du soleil. Lui-même travaillait à la terre, à abattre les arbres à les charrier; mais il ne souffrait, disait-il, que du mal que se donnait sa femme pour élever sa famille: elle s'était encore depuis peu chargée d'un orphelin. Il ne me conta que ses peines, car il vit bien que je sentais son bonheur.

Nous passâmes un ruisseau près de la maison, et nous marchâmes sur la pelouse jusqu'à la pointe du corail. Dans cet endroit la mer pénètre dans l'île entre deux chaines de rochers à pic: il faut suivre cette chaîne, en marchant par des sentiers rompus et en s'accrochant aux pierres. Le plus difficile est de l'autre côté de l'anse, en doublant la pointe appelée le Cap. Je vis passer des noirs; ils se collaient contre les flancs du roc: s'ils eussent fait un faux pas, il tombaient à la