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gens de s'écarter: mon chien même, qui me devançait toujours, ne me précédait plus que de quelques pas; à la moindre alerte, il dressait les oreilles et s'arrêtait; il sentait qu'il n'y avait plus d'hommes. Nous marchâmes ainsi en bon ordre, en suivant le rivage, qui forme une infinité de petites anses. A gauche nous longions les bois, où règne la plus profonde solitude. Ils sont adossés à une chaîne de montagnes peu élevées, dont on voit la cime; ce terrain n'est pas fort bon. Nous y vîmes d'abord des polchers, arbre venu des Indes, et d'autres preuves qu'on y avait commencé des établissemens. J'avais eu la précaution de prendre quelques bouteilles d'eau, et je fis bien, car je trouvai les ruisseaux, marqués sur le plan, absolument desséchés.

J'avais des inquiétudes sur la blessure de mon noir, qui saignait continuellement; je marchais à petits pas; nous fîmes une halte à quatre heures. Comme la nuit s'approchait, je ne voulus point faire le tour du morne; mais je le coupai dans le bois par l'isthme qui le joint aux autres montagnes. Cet isthme n'est qu'une médiocre colline. Étant sur cette hauteur, je rencontrai un noir appartenant à M. Le Normand, habitant chez lequel j'allais descendre, et dont la maison était à un quart de lieue. Cet homme nous devança pendant que je m'arrêtais avec plaisir à considérer le spectacle des deux mers. Une maison placée en cet endroit y serait dans une situation char-