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d'arriver au vent, cette manœuvre nous portait au-dessous de l'île que nous n'eussions jamais rattrapée: il fallait tenir bon. Nous étions à la rame, ne pouvant plus porter de voile. Le ciel se chargeait de plus en plus, il fallait se hâter. Je fis boire de l'eau-devie à mes rameurs; après quoi, à force de bras et au risque d'être vingt fois submergés, nous sortîmes des lames, et nous parvînmes à nous mettre à l'abri du vent, en longeant la terre entre les récifs et le rivage.

Pendant le mauvais temps, les noirs eurent l'air aussi tranquille que s'ils eussent été à terre. Ils croient à la fatalité. Ils ont pour la vie une indifférence qui vaut bien notre philosophie.

Je descendis à l'embouchure de la Rivière-Noire sur les neuf heures du matin; le maître de l'habitation ne comptait pas ce jour-là sur le retour de sa pirogue; j'en fus comblé d'amitiés. Son terrain comprend tout le vallon où coule la rivière. Il est mal figuré sur la carte de l'abbé de La Caille; on y a oublié une branche de montagne sise sur la rive droite qui prend au morne du Tamarin. De plus, le cours de la rivière n'est pas en ligne droite; à une petite lieue de son embouchure, il tourne sur la gauche. Ce savant astronome ne s'est assujéti qu'au circuit de l'île. J'ai fait quelques additions sur son plan, afin de tirer quelque fruit de mes courses.

Tout abonde à la Rivière-Noire, le gibier, les cerfs, le poisson d'eau douce et celui de mer. Un