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il serait impossible de vous en peindre le désordre. On ne sait où passer. Ce sont des caisses de vin de Champagne, des coffres, des tonneaux, des malles, des matelots qui jurent, des bestiaux qui mugissent, des oies et des volailles qui piaulent sur les dunettes ; et, comme il fait gros temps, on entend siffler les cordes et gémir les manœuvres, tandis que notre lourd vaisseau se balance sur ses câbles. Près de nous sont mouillés plusieurs vaisseaux dont les porte-voix nous assourdissent : évite à tribord ; largue l’amarre… Fatigué de ce tumulte, je suis descendu dans ma chaloupe, et j’ai débarqué au Port-Louis.

Il faisait très-grand vent. Nous avons traversé la ville sans y rencontrer personne. J’ai vu, des murs de la citadelle, l’horizon bien noir, l’île de Grois couverte de brume, la pleine mer fort agitée ; au loin, de gros vaisseaux à la cape, de pauvres chasse-marées à la voile entre deux lames ; sur le rivage, des troupes de femmes transies de froid et de crainte ; une sentinelle à la pointe d’un bastion, tout étonnée de la hardiesse de ces malheureux qui pêchent, avec les mauves et les goëlands, au milieu de la tempête.

Nous sommes revenus bien boutonnés, bien mouillés, et la main sur nos chapeaux. En traversant Lorient, nous avons vu toute la place couverte de poisson : des raies blanches, vio-