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ciel, en se vendant les uns les autres. Est-ce donc à nous à être leurs bourreaux? Laissons les vautours détruire les milans.

Des politiques ont excusé l'esclavage, en disant que la guerre le justifiait. Mais les noirs ne nous la font point. Je conviens que les lois humaines le permettent: au moins devrait-on se renfermer dans les bornes qu'elles prescrivent.

Je suis fâché que des philosophes qui combattent les abus avec tant de courage, n'aient guère parlé de l'esclavage des noirs que pour en plaisanter. Ils se détournent au loin. Ils parlent de la Saint-Barthélemy, du massacre des Mexicains par les Espagnols, comme si ce crime n'était pas celui de nos jours, et auquel la moitié de l'Europe prend part. Y a-t-il donc plus de mal à tuer tout d'un coup des gens qui n'ont pas nos opinions qu'à faire le tourment d'une nation à qui nous devons nos délices? Ces belles couleurs de rose et de feu dont s'habillent nos dames, le coton dont elles ouatent leurs jupes, le sucre, le café, le chocolat de leur déjeuner, le rouge dont elles relèvent leur blancheur: la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes!