Page:Voyage à l Ile de France 1.pdf/149

Cette page n’a pas encore été corrigée

des femmes pour avoir cassé quelque poterie, oublié de fermer une porte ; j’en ai vu de tout sanglans, frottés de vinaigre et de sel pour les guérir ; j’en ai vu sur le port, dans l’excès de leur douleur, ne pouvoir plus crier ; d’autres mordre le canon sur lequel on les attache… Ma plume se lasse d’écrire ces horreurs ; mes yeux sont fatigués de les voir, et mes oreilles de les entendre. Que vous êtes heureux ! quand les maux de la ville vous blessent, vous fuyez à la campagne. Vous y voyez de belles plaines, des collines, des hameaux, des moissons, des vendanges, un peuple qui danse et qui chante ; l’image, au moins, du bonheur ! Ici je vois de pauvres négresses courbées sur leurs bêches avec leurs enfans nus collés sur le dos, des noirs qui passent en tremblant devant moi ; quelquefois j’entends au loin le son de leur tambour, mais plus souvent celui des fouets qui éclatent en l’air comme des coups de pistolets, et des cris qui vont au cœur… Grâce, Monsieur ! … Miséricorde ! Si je m’enfonce dans les solitudes, j’y trouve une terre raboteuse, tout hérissée de roches, des montagnes portant au-dessus des nuages leurs sommets inaccessibles, et des torrens qui se précipitent dans des abîmes. Les vents qui grondent dans ces vallons sauvages, le bruit sourd des flots qui se brisent sur les récifs, cette vaste mer qui s’étend au loin vers des ré-