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Ce n'est pas que la religion ne cherche à les consoler. De temps en temps on en baptise. On leur dit qu'ils sont devenus frères des blancs, et qu'ils iront en paradis. Mais ils ne sauraient croire que les Européens puissent jamais les mener au ciel; ils disent qu'ils sont sur la terre la cause de tous leurs maux. Ils disent qu'avant d'aborder chez eux, ils se battaient avec des bâtons ferrés; que nous leur avons appris à se tuer de loin avec du feu et des balles; que nous excitons parmi eux la guerre et la discorde, afin d'avoir des esclaves à bon marché; qu'ils suivaient sans crainte l'instinct de la nature; que nous les avons empoisonnés par des maladies terribles; que nous les laissons souvent manquer d'habits, de vivres, et qu'on les bat cruellement sans raison. J'en ai vu plus d'un exemple. Une esclave, presque blanche, vint, un jour, se jeter à mes pieds: sa maîtresse la faisait lever de grand matin et veiller fort tard; lorsqu'elle s'endormait, elle lui frottait les lèvres d'ordures; si elle ne se léchait pas, elle la faisait fouetter. Elle me priait de demander sa grâce, que j'obtins. Souvent les maîtres l'accordent, et deux jours après, ils doublent la punition. C'est ce que j'ai vu chez un conseiller dont les noirs s'étaient plaints au gouverneur: il m'assura qu'il les ferait écorcher le lendemain de la tête aux pieds.

J'ai vu, chaque jour, fouetter des hommes et