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porter leur sort, ils se livrent au désespoir: les uns se pendent ou s'empoisonnent; d'autres se mettent dans une pirogue, et sans voiles, sans vivres, sans boussole, se hasardent à faire un trajet de deux cents lieues de mer pour retourner à Madagascar. On en a vu aborder; on les a repris, et rendus à leurs maîtres.

Pour l'ordinaire ils se réfugient dans les bois, où on leur donne la chasse avec des détachemens de soldats, de nègres et de chiens; il y a des habitans qui s'en font une partie de plaisir. On les relance comme des bêtes sauvages; lorsqu'on ne peut les atteindre, on les tire à coups de fusil: on leur coupe la tête, on la porte en triomphe à la ville, au bout d'un bâton. Voilà ce que je vois presque toutes les semaines.

Quand ou attrape les noirs fugitifs, on leur coupe une oreille, et on les fouette. A la seconde désertion, ils sont fouettés, on leur coupe un jarret, on les met à la chaîne. A la troisième fois, ils sont pendus; mais alors on ne les dénonce pas: les maîtres craignent de perdre leur argent.

J'en ai vu pendre et rompre vifs; ils allaient au supplice avec joie, et le supportaient sans crier. J'ai vu une femme se jeter elle-même du haut de l'échelle. Ils croient qu'ils trouveront dans un autre monde, une vie plus heureuse, et que le Père des hommes n'est pas injuste comme eux.