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Ils arrivent avec ces arts et ces mœurs à l'Ile-de-France. On les débarque tout nus avec un chiffon autour des reins. On met les hommes d'un côté, et les femmes à part, avec leurs petits enfans, qui se pressent, de frayeur, contre leurs mères. L'habitant les visite partout, et achète ceux qui lui conviennent. Les frères, les sœurs, les amis, les amans sont séparés; ils se font leurs adieux en pleurant, et partent pour l'habitation. Quelquefois ils se désespèrent; ils s'imaginent que les blancs les vont manger; qu'ils font du vin rouge avec leur sang, et de la poudre à canon avec leurs os.

Voici comme on les traite. Au point du jour trois coups de fouet sont le signal qui les appelle à l'ouvrage. Chacun se rend avec sa pioche dans les plantations, où ils travaillent presque nus à l'ardeur du soleil. On leur donne pour nourriture du maïs broyé, cuit à l'eau, ou des pains de manioc; pour habit, un morceau de toile. A la moindre négligence, on les attache, par les pieds et par les mains, sur une échelle; le commandeur, armé d'un fouet de poste, leur donne sur le derrière nu cinquante, cent, et jusqu'à deux cents coups. Chaque coup enlève une portion de la peau. Ensuite on détache le misérable tout sanglant; on lui met au cou un collier de fer à trois pointes, et on le ramène au travail. Il y en a qui sont plus d'un mois avant d'être en