Page:Voyage à l Ile de France 1.pdf/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses fils et ses bestiaux. L'industrie renaît avec la liberté, par le voisinage des ports de mer. C'est peut-être le seul bien que produise le commerce maritime, qui n'est guère qu'une avarice dirigée par les lois. Singulière condition de l'homme de tirer souvent de ses passions plus d'avantages que de sa raison!

Le paysan bas-breton est à son aise. Il se regarde comme libre dans le voisinage d'un élément sur lequel tous les chemins sont ouverts. L'oppression ne peut s'étendre plus loin que sa fortune. Est-il trop pressé? il s'embarque. Il retrouve sur le vaisseau où il se réfugie, le bois des chênes de son enclos, les toiles que sa famille a tissues, le blé de ses guérets, et les dieux de ses foyers qui l'ont abandonné. Quelquefois dans l'officier de son vaisseau, il reconnaît le seigneur de son village. A leur misère commune, il voit que ce n'est qu'un homme souvent plus à plaindre que lui. Libre sur sa propre réputation, il devient le maître de la sienne; et, du bout de la vergue où il est perché, il juge, au milieu du feu et de l'orage, celui qu'aux États il n'eût osé examiner.

Je n'ai point encore vu Lorient. Une demi-lieue avant d'arriver; nous avons passé en bac, un petit bras de mer; voilà tout ce que j'ai pu distinguer. Un brouillard épais couvrait tout l'horizon: c'est un effet du voisinage de la mer; aussi l'hiver y est moins rude.