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155 unit à l’Estre des Estres ; mais c’est que nous ne sommes ni loups, ni tigres, ni dogues, mais hommes, mais Chrétiens41. Notre Dieu qui nous a ordonné d’aimer | nos [13] ennemis et de souffrir sans murmure42, ne veut pas sans doute que nous passions la mer pour aller égorger nos 160 freres, parce que des meurtriers vêtus de rouge avec un bonnet haut de deux pieds, enrôlent des Citoïens en faisant du bruit avec deux petits bâtons sur une peau d’âne bien tendue43, & lorsqu’après des batailles gagnées tout Londres brille d’illuminations, que le Ciel est enflamé 165 de fusées, que l’air retentit du bruit des actions de grâces, des cloches, des orgues, des canons, nous gémissons en silence sur ces meurtres qui causent la publique allegresse44. »

160. 48-K [rouge], coëffés d’[un bonnet]


COMMENTAIRE

1. La note des éditeurs de Kehl contient deux erreurs : Voltaire revint d’Angleterre en 1729, et les Lettres philosophiques ont paru en 1734. — Voltaire ici garde le nom anglais, quaker, comme ont fait Bayle (Œuvres, I, 43), et La Mottraye (Voyages) ; de même le traducteur de Chamberlayne en 1698, de Neuville, écrit quakers ou Trembleurs. D’autres francisent le mot conformément à la prononciation : coakres et coakresses, quacres (Misson), quakre (Aubert de Versé, le Protestant pacifique, 1684 ; et Le Sage, p. 31), kouakres (Phil. Naudé). Catrou annonce en 1705 dans le titre de son Histoire des anabaptistes, qu’il parlera des sectes issues de ce mouvement et en particulier des Kouakres : mais en 1732 il préfère employer la traduction Trembleurs. L’Académie en 1762 admettra la forme