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ou l’imagination de Voltaire : on se fût ainsi rendu compte du travail intérieur qui les a utilisés, fécondés, déformés, transformés. Je n’ai pas besoin de dire que je n’ai pas atteint cet idéal. Je m’en suis approché pour quelques lettres, où je puis offrir des résultats presque complets. J’en suis demeuré plus loin pour les autres parties.

Lorsque les sources directes et précises où je pouvais remonter n’expliquaient pas tout, j’ai essayé du moins de retrouver les états de l’opinion ou de la pensée anglaise d’où certaines affirmations de Voltaire dérivaient : si elles étaient vraies ou fausses, ce n’était pas mon affaire, il me suffisait qu’elles fussent le produit d’une suggestion anglaise.

Une bonne partie du contenu des Lettres vient, sans qu’on en puisse douter, de ce que Voltaire a vu ou entendu en Angleterre[1]. Ces sources sont à peu près inaccessibles aujourd’hui, ou du moins ne peuvent être le plus souvent que conjecturées : on ne saurait le faire avec trop de prudence et de précaution. Le carnet de notes de Voltaire, ici, m’eût sans doute bien servi. A son défaut, j’ai essayé de retrouver dans les écrits de circonstance, les brochures, et surtout les journaux, l’image des faits et des mouvements d’idées qui, par d’insaisissables intermédiaires, ont agi sur Voltaire de 1726 à 1729. Les journaux anglais sont précieux : ils font voir, ou du moins entrevoir, ce que Voltaire put avoir sous les yeux, ce qui put lui venir aux oreilles pendant qu’il vivait en Angleterre. J’ai fait le dépouillement des journaux publiés à Londres qui sont au British Museum, pour la période mai 1726-février 1729.

Les sources orales se dérobent. On peut pourtant rechercher

  1. On ne peut guère rejeter et l’on n’a pas actuellement les moyens de préciser la conjecture de Texte (Revue d’histoire littéraire, 1894, t. I, p. 201), que Voltaire « dut beaucoup » à la fréquentation des réfugiés français qui se réunissaient au Rainbow Coffee House dans Marylebone. Le baconien Daudé et le newtonien Moivre, Desmaizeaux, ami de Collins et des déistes, La Chapelle, Coste, César de Missy, etc. purent lui révéler beaucoup de l’Angleterre, tout au moins lui indiquer des voies. (Cf. Sayous, Le XVIIIe siècle à l’étranger, t. I, p. 15.) Il serait désirable que les papiers de Desmaizeaux (au British Museum et à la Bibliothèque de Copenhague) fussent exactement dépouillés. M. Ascoli s’y emploie au British Museum et prépare une étude sur la vie et l’action de ces réfugiés français.