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Il est difficile de se prononcer : ce qui est sûr, c’est que, non seulement dans la lettre XXIII, mais dans les 24 autres, les corrections de ce genre qu’on n’a pas le droit de regarder comme des retouches d’éditeur, sont infiniment rares.

Il y a pourtant une leçon dans l’appendice I de la l. XIII qui a aussi un caractère marqué de singularité. K nous donne lig. 273 une leçon découvert qui, à ma connaissance, n’est dans aucune édition imprimée, et ne peut pas s’expliquer par une faute. Mais d’ailleurs K donne pour l’ensemble de la phrase le texte mutilé des éditions, et, à l’Errata, chasse la bonne leçon découvert. Faut-il en conclure que K a suivi une copie incorrecte, ou qu’il a collationné (mal collationné) le texte des éditions sur le texte d’un manuscrit, et confondu les deux rédactions ? En tout cas, K a fini par se rallier entièrement au texte des éditions. Et si K a eu une copie manuscrite, comment, dans le reste du morceau, suit-il à peu près constamment les leçons imprimées ?

Le tableau ci-joint (p. xxxiii) donnera une idée des relations que je viens d’essayer de déterminer.

Il n’entre pas dans mon dessein d’étudier les caractères distinctifs des diverses éditions des Lettres philosophiques, du point de vue des variations de la pensée de l’auteur. Je ne dirai que deux mots. Bengesco[1], interprétant mal les lettres de Voltaire qui se rapportent à des remaniements antérieurs au texte de Thieriot comme à celui de Jore, et d’où précisément ces deux textes sont sortis, conclut d’une comparaison des éditions de Basle (Londres) et de Jore, que Voltaire n’a pas donné suite à ses résolutions de prudence, et qu’il a laissé subsister dans l’impression rouennaise toute la liberté de langage et de pensée qu’on trouve dans l’édition faite à l’étranger. Ce n’est pas tout à fait exact.

Le texte de Jore s’écarte en effet souvent de celui de Thieriot, mais, chose curieuse, les changements ne se font pas constamment dans le même sens. Il y en a qui atténuent, il y en a qui aggravent la hardiesse de la rédaction primitive[2]. Voltaire est

  1. T. II, p. 15.
  2. Atténuations : l. V, lig. 3 ; l. VII, l. 15 ; l. XII, l. 69 ; l. XIII, l. 190 ; l. XIX. l. 97; l. XXIII, l. 24 et 122. Aggravations : l. I, l. 55 ;