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Je suis corps, & je pense ; je n’en sçai pas davantage. Irai-je attribuer à une cause inconnue, ce que je puis si aisément attribuer à la seule cause seconde que je 155 connois46 » ? | Ici tous les Philosophes de l’Ecole47 m’arrêtent en argumentant, & disent : « Il n’y a dans le corps que de l’étendue & de la solidité, & il ne peut avoir que du mouvement & de la figure. Or du mouvement & de la figure, de l’étendue & de la solidité ne peuvent faire une pensée, 160 donc l’ame ne peut pas être matiere. » Tout ce grand raisonnement tant de fois répeté se réduit uniquement à ceci : « Je ne connois point du tout la matiere, j’en devine imparfaitement quelques propriétés ; or je ne sçai point du tout si ces propriétés peuvent être jointes à la 165 pensée48 ; donc parce que je ne sçai rien du tout, j’assure positivement que la matiere ne sçauroit penser. » Voilà nettement la maniere de raisonner | de l’Ecole. Loke diroit avec simplicité à ces Messieurs : « Confessez du

153. ^9^-46 Si je ne consulte que mes foiblcs lumières, [irai-jc] — ISS— >9^~4^ [connois] un peu. — 159. ^9 ils [ne peuvent] (corrarlitm a imprimeur ifuijait coiitresetis).

161. SI’4^ rcpctc tant de fois — 162. j^-46 [connois] que très peu de chose de [la…] — 167. S44^ ^^’Locke — 168. J4’-)9 disoit C’est sans doute la vraie leçon de la c->pie envoyée à Londres. Angl. jj.M. Lx>cJce addrcssed thcse Gentlemen… — 152-167../<S a la plice du paragraphe Je suis corps… de V^cot donne ceci :

Que suis-je ? un assemblage d’organes. Je respire par les poumons, je prends avec les mains ; je pense avec le cerveau ; & j’admire autant l’artifice par lequel mon cœur envoyé du sang dans mes artères, & par lequel l’homme consep.’e sa vie & la transmet, que le don que j’ai reçu d’avoir quelques foibles idées dans ma tête. Tout cela est également l’ouvrage d’un Dieu. N’a-t-il mis en moi qu’un principe ; en a-t-il mis plusieurs ? Je l’ignore. Je ne sai comment je vis, ni comment j’ai la force aaive, ni comment je pense.

Je sai seulement qu’il n’y a qu’un être tout puissant qui opére en moi ces merveilles, soit qu’il les opére par un seul ressort, soit qu’il en fasse agir plusieurs ; je vois seulement mon corps et je ne vois pas le reste. Ici toute l’école m’arrête et me dit : « Il n’y a dans le corps que de l’étenduë et de la solidité (cf. l. 157) ; or l’étenduë et la solidité ne peuvent faire une pensée. »

Mr. Locke répondroit : « Avouez [du moins…]