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Peuple étoient toujours en division à Rome, sans qu’il y 50 eût un pouvoir mi|toïen, qui put les accorder. Le Sénat [68] de Rome, qui avoit l’injuste & punissable orgueil de ne vouloir rien partager avec les Plébéiens, ne connoissoit d’autre secret pour les éloigner du gouvernement que de les occuper toujours dans les guerres étrangeres14. 55 Ils regardoient le Peuple comme une bête féroce qu’il falloit lâcher sur leurs voisins de peur qu’elle ne dévorat ses Maîtres ; ainsi le plus grand défaut du gouvernement des Romains en fit des Conquérans, c’est parce qu’ils étoient malheureux chez eux, qu’ils devinrent les maîtres 60 du monde, jusqu’à ce qu’enfin leurs divisions les rendirent esclaves.

Le gouvernement d’Angleterre n’est est point fait pour un si grand éclat, ni pour une | fin si funeste, son [69] but n’est point la brillante folie de faire des conquêtes, 65 mais d’empêcher que ses voisins n’en fassent ; ce peuple n’est pas seulement jaloux de sa liberté, il l’est encore de celle des autres15. Les Anglais étoient acharnés contre Louis XIV, uniquement parce qu’ils lui croïoient de l’ambition16. Ils lui ont fait la guerre de 70 gaieté de cœur, assurément sans aucun intérêt17.

Il en a coûté sans doute pour établir la liberté en Angleterre ; c’est dans des mers de sang qu’on a noïé l’Idole du pouvoir despotique ; mais les Anglais ne croient point avoir acheté trop cher de bonnes loix18. Les 75 autres Nations n’ont pas eu moins de troubles, n’ont pas versé moins de sang qu’eux ; | mais ce sang qu’elles ont [70] répandu pour la cause de leur liberté n’a fait que cimenter leur servitude.

55. 70-K Il regardait.

70. 394-K suppriment la phrase Ils lui… intérêt.

74. 394-K leurs [loix]. — 75. 394-K omettent les mots n’ont pas… troubles