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dans A[1]. De plus A imprime François, Anglois, tandis que B donne Français, Anglais.

Les deux textes sont authentiques. Voltaire a donné un manuscrit Thieriot, un autre à Jore. Il a envoyé des corrections à Thieriot et à Jore. Comment décider ?

Le texte de Jore doit être préféré. En voici les raisons :

1° Voltaire a corrigé les épreuves de Jore ; il n’a pas suivi l’impression de Londres, il s’est plaint de la négligence de Thieriot[2].

2° Nous ne pouvons dire exactement ce que Thieriot a mis du sien dans l’édition de Basic (Londres). Il a certainement pris sur lui de faire certaines corrections. On ne saurait concevoir (let. I, lig. 9) que Voltaire, ayant écrit j’allay le chercher, corrige en je fus sur l’épreuve de Jore : on s’explique plus aisément que Thieriot, lisant je fus dans le manuscrit, imprime j’allay par un scrupule de puriste.

La traduction anglaise, faite sur la copie envoyée à Thieriot, peut nous aider à découvrir quelques-unes de ces interventions amicales. Elle s’accorde naturellement d’ordinaire avec l’édition de Basle (Londres) contre Jore : mais parfois aussi elle s’accorde contre elle avec Jore. Et dans ce dernier cas, il faut bien supposer que Thieriot a corrigé, en l’éditant, la copie qu’il avait reçue.

Dans la lettre VII (lig. 48-49), l’édition de Basle (Londres) porte : « Je crois… qu’il valoit mieux être Primat orthodoxe d’Angleterre que curé arien. » Ni la traduction anglaise, ni Jore, ne donnent le mot orthodoxe : donc le mot manquait dans les deux manuscrits et a été suppléé par Thieriot.

Jore (lettre XIII, lig. 42) : « Saint Bernard, selon l’aveu du Pere Mabillon, enseigna… » Trad. anglaise : « … as Father Mabillon confesses ». Thieriot, dans l’édition de Basle (Londres), imprime « selon l’avis », coquille plutôt que correction. Mais l’accord de l’anglais et de Jore décèle la leçon vraie de Voltaire.

Jore (lettre XIV, lig. 156) : « … Roman… vraisemblable pour les ignorants. » Trad. angl. : « … fit to amuse the ignorant. » Basle (Londres) : « … pour les philosophes du même temps. »

  1. P. 41-42.
  2. Lettre du 5 août 1753 (t. XXXIII, p. 371).