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Elle étoit alors retirée à la Haye18 où elle vit ces amis ; [34] car c’est ainsi qu’on apelloit alors les Quakers en Hollande19 ; elle eut plusieurs conférences avec eux ; ils prêchèrent souvent chez elle20, & s’ils ne firent pas d’elle 55 une parfaite Quakresse, ils avouèrent au moins qu’elle n’étoit pas loin du roïaume des Cieux21.

Les amis semèrent aussi en Allemagne, mais ils recueillirent peu22. On ne goûta pas la mode de tutoïer dans un païs où il faut toujours avoir à la bouche les 60 termes d’Altesse & d’Excellence23. Pen repassa bien-tôt en Angleterre sur la nouvelle de la maladie de son pere il vint recueillir ses derniers soupirs24. Le Vice-Amiral se réconcilia avec lui & l’embrassa avec tendresse quoiqu’il fut d’une diffé|rente Religion ; Guillaume l’exhorta en [35] 65 vain à ne point recevoir le Sacrement, & à mourir Quaker, & le vieux bon homme recommanda inutilement à Guillaume d’avoir des boutons sur ses manches & des gances à son chapeau25.

Guillaume hérita de grands biens, parmi lesquels il se 70 trouvoit des dettes de la Couronne26, pour des avances faites par le Vice-Amiral dans des expéditions maritimes. Rien n’étoit moins assuré alors que l’argent dû par le Roi ; Pen fut obligé d’aller tutoïer Charles II & ses Ministres plus d’une fois pour son paiement. Le 75 Gouvernement lui donna en 1680 au lieu d’argent la propriété & la souveraineté d’une Province d’Amérique au Sud de Marilan : voilà un Quaker | devenu souverain. Il partit [36] pour ses nouveaux Etats avec deux vaisseaux chargés de Quakers qui le suivirent. On appela dès-lors le païs

51. 34a-K les [amis] (ces est nécessaire) — 57. 34a-K y [recueillirent] — 59. 34a-39 omettent avoir à la bouche. 394-K [il faut] prononcer [toujours]

64. 34a-K Mais [Guillaume]

71. 42, 42a [dans] les