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S’est-il occupé par une grace prévenante à faire croître un chêne, préférablement à un autre chêne à qui la sève a manqué ? Si dans toute la nature, tous les êtres sont soumis aux loix générales, comment une seule espèce d’animaux n’y serait-elle pas soumise ?

Pourquoi le maître absolu de tout, aurait-il été plus occupé à diriger l’intérieur d’un seul homme, qu’à conduire le reste de la nature entière ? Par quelle bizarrerie changerait-il quelque chose dans le cœur d’un Courlandais ou d’un Biscaïen, pendant qu’il ne change rien aux loix qu’il a imposées à tous les astres ?

Quelle pitié de supposer qu’il fait, défait, refait continuellement des sentiments dans nous ! & quelle audace de nous croire exceptés de tous les êtres ! Encore n’est-ce que pour ceux qui se confessent, que tous ces changements sont imaginés. Un Savoyard, un Bergamasque aura le lundi la grace de faire dire une messe pour douze sous ; le mardi il ira au cabaret, & la grace lui manquera ; le mercredi il aura une grace coopérante qui le conduira à confesse ; mais il n’aura point la grace efficace de la contrition parfaite ; le jeudi ce sera une grace suffisante qui ne lui suffira point, comme on l’a déjà dit. Dieu travaillera continuellement dans la tête de ce Bergamasque, tantôt avec force, tantôt faiblement, & le reste de la terre ne lui sera de rien ! il ne daignera pas se mêler de l’intérieur des Indiens & des Chinois ! S’il vous reste un grain de raison, mes révérends pères, ne