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laisse pas d’avoir trois cents lieues de long ; toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu au commencement en créa un mâle & un autre femelle ; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre, & qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu tua la femelle, & la sala pour le festin du Messie.

Les rabbins ajoutent qu’on tuera pour ce repas le taureau Béhémoth, qui est si gros qu’il mange chaque jour le foin de mille montagnes : la femelle de ce taureau fut tuée au commencement du monde, afin qu’une espèce si prodigieuse ne se multipliât pas, ce qui n’aurait pu que nuire aux autres créatures ; mais ils assurent que l’Éternel ne la sala pas, parce que la vache salée n’est pas si bonne que la léviathane. Les Juifs ajoutent encor si bien foi à toutes ces rêveries rabbiniques, que souvent ils jurent sur leur part du bœuf Béhémoth.

Après des idées si grossières sur la venue du Messie, & sur son règne, faut-il s’étonner, si les Juifs tant anciens que modernes, & plusieurs même des premiers chrétiens, malheureusement imbus de toutes ces rêveries, n’ont pu s’élever à l’idée de la nature divine de l’oint du Seigneur, & n’ont pas attribué la qualité de dieu au Messie ? Voyez comme les Juifs s’expriment là-dessus dans l’ouvrage intitulé Judaei Lusitani quaestiones ad Christianos*. [1]

« Reconnaître, disent-ils, un homme-Dieu, c’est

  1. Quaestiones 1, 2, 4, 23, &c.