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Il s’en va droit au lit de la Pucelle,
Les rideaux tire, et lui fourrant au sein
Sans compliment son impudente main,
Et lui donnant un baiser immodeste,
Attente en maître à sa pudeur céleste :
Plus il s’agite, et plus il devint laid.
Jeanne, qu’anime une chrétienne rage,
D’un bras nerveux lui détache un soufflet
A poing fermé sur son vilain visage.
Ainsi j’ai vu, dans mes fertiles champs,
Sur un pré vert, une de mes cavales,
Au poil de tigre, aux taches inégales,
Aux pieds légers, aux jarrets bondissants,
Réprimander d’une fière ruade

Un bourriquet de sa croupe amoureux,
Qui dans sa lourde et grossière embrassade
Dressait l’oreille, et se croyait heureux.
Jeanne en cela fit sans doute une faute ;
Elle devait des égards à son hôte.
De la pudeur je prends les intérêts ;
Cette vertu n’est point chez moi bannie :
Mais quand un prince, et surtout un génie,
De vous baiser a quelque douce envie,
Il ne faut pas lui donner des soufflets.
Le fils d’Alix, quoiqu’il fût des plus laids,
N’avait point vu de femme assez hardie
Pour l’oser battre en son propre palais.

Il crie, on vient ; ses pages, ses valets,
Gardes, lutins, à ses ordres sont prêts :
L’un d’eux lui dit que la fière Pucelle
Envers Dunois n’était pas si cruelle.
O calomnie ! affreux poison des cours,
Discours malins, faux rapports, médisance,
Serpents maudits, sifflerez-vous toujours
Chez les amants comme à la cour de France ?



Notre tyran, doublement outragé,
Sans nul délai voulut être vengé.
Il prononça la sentence fatale :
" Allez, dit-il, amis, qu’on les empale. "
On obéit ; on fit incontinent
Tous les apprêts de ce grand châtiment.
Jeanne et Dunois, l’honneur de la patrie,