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Ainsi qu’au bal ils vont tous aux batailles.
Déjà Dunois la gloire des bâtards,
Dunois qu’en Grèce on aurait pris pour Mars,
Et La Trimouille, et La Hire, et Saintrailles,
Et Richemont, sont sortis des murailles,
Croyant déjà chasser les ennemis,
Et criant tous : " Où sont-ils ? où sont-ils ? "



Ils n’étaient pas bien loin : car près des portes
Sire Talbot, homme de très-grand sens,
Pour s’opposer à l’ardeur de nos gens,
En embuscade avait mis dix cohortes.



Sire Talbot a depuis plus d’un jour
Juré tout haut par saint George et l’Amour
Qu’il entrerait dans la ville assiégée.
Son âme était vivement partagée :
Du gros Louvet la superbe moitié
Avait pour lui plus que de l’amitié ;
Et ce héros, qu’un noble espoir enflamme,
Veut conquérir et la ville et sa dame.



Nos chevaliers à peine ont fait cent pas,
Que ce Talbot leur tombe sur les bras ;
Mais nos Français ne s’étonnèrent pas.
Champs d’Orléans, noble et petit théâtre
De ce combat terrible, opiniâtre,
Le sang humain dont vous fûtes couverts
Vous engraissa pour plus de cent hivers.
Jamais les champs de Zama, de Pharsale[1],

  1. Remarquez qu‘à la bataille de Zama, entre Publius Scipion et Annibal, il y avait des Français qui servaient dans l’armée carthaginoise, selon Polybe. Ce Polybe, contemporain et ami de Scipion. dit que le nombre était égal de part et d’autre; le chevalier de Folard n’en convient pas : il prétend que Scipion attaqua en colonnes. Cependant il parait que la chose n'est pas possible, puisque Polybe dit: que les troupes combattaient toutes de main à main : c'est sur quoi nous nous en rapportons aux doctes. (Note de Voltaire. 1762.) — Voyez Polybe. liv. XV, chap. i. Dans les Observations sur la bataille de Zuma, Folard dit effectivement que Polybe se trompe sur le nombre. (R.)

    Nota bene qu'à Pharsale Pompée avait cinquante-cinq mille hommes, et César vingt—deux mille. Le carnage fut grand : les vingt-deux mille césariens, après un combat opiniâtre, vainquirent les cinquante-cinq mille pompéiens. Cette bataille décida du sort de la république, et mit sous la puissance du mignon de Nicomède la Grèce, l‘Asie Mineure, l‘Italie, les Gaules, l‘Espagne, etc., etc.

    Cette bataille eut plus de suites que le petit combat de Jeanne; mais enf‍in c‘est Jeanne, c’est notre Pucelle : sachons gré à notre cher compatriote d'avoir comparé les exploits de cette chère fille à ceux de César. qui n'ai-ait pas son pucelage. Les