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VARIANTES
DU CADENAS.


Vers 1er. — La pièce, dans l’édition de 1724, commençait par les vers suivants :

Jeune beauté qui ne savez que plaire,
À vos genoux, comme bien vous savez,
En qualité de prêtre de Cythère,
J’ai débité, non morale sévère,
Mais bien sermons par Vénus approuvés,
Gentils propos, et toutes les sornettes
Dont Rochebrune orne ses chansonnettes.
De ces sermons votre cœur fut touché ;
Jurâtes lors de quitter le péché
Que parmi nous on nomme indifférence :
Même un baiser m’en donna l’assurance ;
Mais votre époux, Iris, a tout gâté.
Il craint l’Amour : époux, sexagénaire
Contre ce dieu fut toujours en colère ;
C’est bien raison : Amour de son côté
Assez souvent ne les épargne guère.
Celui-ci donc tient de court vos appas.
Plus ne venez sur les bords de la Seine,
Dans ces jardins où Sylvains à centaine
Et le dieu Pan vont prendre leurs ébats ;
Où tous les soirs nymphes jeunes et blanches,
Les Courcillons, Polignacs, Villefranches,
Près du bassin, devant plus d’un Pâris,
De la beauté vont disputer le prix.
Plus ne venez au palais des Francines[1],
Dans ce pays où tout est fiction,
Où l’Amour seul fait mouvoir cent machines,
Plaindre Thésée et siffler Arion[2].
Trop bien, hélas ! à votre époux soumise,
On ne vous voit tout au plus qu’à l’église ;
Le scélérat a de plus attenté
Par cas nouveau sur votre liberté.

  1. Ancien directeur de l’Opéra.
  2. Arion, opéra de Fuzelier, joué sans succès en avril 1714.