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538 LA GUERRE CIVILE DE GENEVE. [le;]

Catin n'est plus; j'ai le malheur de vivre;

J'en suis honteux : adieu ; je vais la suivre. »

Rousseau réplique : « As-tu perdu l'esprit?

As-tu le cœur si lùche et si petit?

iVurais-tu hien cette faihlesse infâme

De t'abaisser à pleurer une femme ?

Sois sage enfin ; le sage est sans pitié,

Il n'est jamais séduit par l'amitié ;

Tranquille et dur en son orgueil suprême.

Vivant pour soi, sans besoin, sans désir,

Semblable à Dieu, concentré dans lui-même.

Dans son mérite il met tout son plaisir.

J'ai quelquefois festoyé ma sorcière ;

Mais si le ciel terminait sa carrière,

Je la verrais mourir à mes côtés

Des dons cuisants qui nous ont infectés.

Sur un fumier rendant son âme au diable,

Que ma vertu, paisible, inaltérable.

Me défendrait de m'écarter d'un pas

Pour la sauver des portes du trépas.

D'un vrai Rousseau tel est le caractère ;

Il n'est ami, parent, époux, ni père;

Il est de roche; et quiconque, en un mot,

Naquit sensible, est fait pour être un sot.

— Ah ! dit Robert, cette grande doctrine

A bien du bon ; mais elle est trop divine :

Je ne suis qu'homme' et j'ose déclarer

Que j'aime fort toute humaine faiblesse ;

Pardonnez-moi la pitié, la tendresse.

Et laissez-moi la douceur de pleurer. »

Comme il parlait, passait sur cette terre

En berlingot certain pair d'Angleterre,

Qui voyageait tout excédé d'ennui.

Uniquement pour sortir de chez lui,

Lequel avait pour charmer sa tristesse

Trois chiens courants, du punch, et sa maîtresse.

Dans le pays on connaissait son nom,

Et tous ses chiens : c'est milord Abington -.

1. Imitation de ces mots de Térence :

Homo sum : humani nihil a mé alicnum puto.

2. Milord Abington s'est distingué depuis dans le sénat britannique par son

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