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Cependant on la désire.
Plus de plaisirs, plus d’empire
Dans les horreurs du trépas.
Un lion mort ne vaut pas
Un moucheron qui respire.
mortel infortuné!
Soit que ton à me jouisse
Du moment qui t’est donné,
Soit que la mort le finisse,
L’un et l’autre est un supplice :
Il vaut mieux n’être point né.
Le néant est préférable
A nos funestes travaux,
Au mélange lamentable
Des faux biens et des vrais maux,
A notre espoir périssable
Qu’engloutissent les tombeaux.

Quel homme a jamais su par sa propre lumière’
Si, lorsque nous tombons dans l'éternelle nuit.
Notre âme avec nos sens se dissout tout entière,
Si nous vivons encore, ou si tout est détruit?

Des plus vils animaux Dieu soutient l’existence ;
Ils sont, ainsi que nous, les objets de ses soins;
11 borna leur instinct et notre intelligence ;
Ils ont les mêmes sens et les mêmes besoins.

Ils naissent comme nous, ils expirent de même :
Que deviendra leur ùme au jour de leur trépas?

1. Dixi in corde mco de (Hiis Iwïiiinniii, ut probaret eos Deus, et ostenderet sinnles esse bestiis. Idcirco umis interUiis est hominis et jumentorum, et œqua tilriusque conditio : sicut moritur homo, sic et illa moriuntur : siiniliter spirant onmia, et nihil habet bona jumento aniplius. Cuncta subjacent vanitati. Et onniia pergunt ad cumdetn locuin : de terra facta sunt, et in terra pariter revertuittur. Quis novit si spintus fûiorum Adam ascendat sursum, et spiritu jumentorum descendat deorsnm? [Cap. m, v, 18, 19, 20, 21.]

J’ai dit à mon cœur: Dieu mit en probation tous les enfants des hommes; il montre qu’ils sont semblables aux bêtes. Les hommes meurent comme les bêtes, leur sort est égal; ils respirent de même, l’homme n’a rien de plus que la bête : tout est vanité, tout tend au même lieu; ils ont tous été tirés de la terre, et ils retourneront pareillement on terre. Qui connaît si l’âme des hommes monte en haut, et si l’àme des bêtes descend en bas? (Note de Voltaire.)

N. B. L'Ecclésiaste semble s’exprimer ici avec une dureté qui convenait sans doute à son temps, et qui doit être adoucie dans le nôtre. Ainsi l’auteur du Précis ne dit point : « L’homme n’a rien de plus que la bête; » mais : « Qui sait par sa propre lumière si l’homme n’a rien de plus que la bête? » C’est le sens de l’Ecclésiaste. L’homme ne sait rien par lui-même; il a besoin de la foi. (/(/. 1761.)