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De me servir des mains d’une pucelle.
Vous, si d’en haut vous désirez les biens,
Si vos cœurs sont et français et chrétiens,
Si vous aimez le roi, l’État, l’Église,
Assistez-moi dans ma sainte entreprise ;
Montrez le nid où nous devons chercher
Ce vrai phénix que je veux dénicher. »
CeAinsi parla le vénérable sire.
Quand il eut fait chacun se prit à rire.
Le Richemont, né plaisant et moqueur,
Lui dit : « Ma foi, mon cher prédicateur,
Monsieur le saint, ce n’était pas la peine
D’abandonner le céleste domaine
Pour demander à ce peuple méchant
Ce beau joyau que vous estimez tant.
Quand il s’agit de sauver une ville,
Un pucelage est une arme inutile.
Pourquoi d’ailleurs le prendre en ce pays ?
Vous en avez tant dans le paradis !
Rome et Lorette ont cent fois moins de cierges
Que chez les saints il n’est là-haut de vierges.
Chez les Français, hélas ! il n’en est plus.
Tous nos moutiers sont à sec là-dessus.
Nos francs-archers, nos officiers, nos princes,
Ont dès longtemps dégarni les provinces.
Ils ont tous fait, en dépit de vos saints,
Plus de bâtards encor que d’orphelins.
Monsieur Denis, pour finir nos querelles,
Cherchez ailleurs, s’il vous plaît, des pucelles. »
PuLe saint rougit de ce discours brutal :
Puis aussitôt il remonte à cheval
Sur son rayon, sans dire une parole,
Pique des deux, et par les airs s’envole,
Pour déterrer, s’il peut, ce beau bijou
Qu’on tient si rare, et dont il semble fou.
Laissons-le aller ; et tandis qu’il se perche
Sur l’un des traits qui vont porter le jour,
Ami lecteur, puissiez-vous en amour
Avoir le bien de trouver ce qu’il cherche !


FIN DU CHANT PREMIER.