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La pudeur passe, et l’amour seul demeure.
Son tendre amant l’embrasse tout à l’heure.
Ses yeux ardents, éblouis, enchantés,
Avidement parcourent ses beautés.
Qui n’en serait en effet idolâtre ?
SoSous un cou blanc qui fait honte à l’albâtre
Sont deux tétons séparés, faits au tour,
Allants, venants, arrondis par l’Amour ;
Leur boutonnet a la couleur des roses.
Téton charmant, qui jamais ne reposes,
Vous invitiez les mains à vous presser,
L’œil à vous voir, la bouche à vous baiser.
Pour mes lecteurs tout plein de complaisance,
J’allais montrer à leurs yeux ébaudis
De ce beau corps les contours arrondis ;
Mais la vertu qu’on nomme bienséance
Vient arrêter mes pinceaux trop hardis.
Tout est beauté, tout est charme dans elle.
La volupté, dont Agnès a sa part,
Lui donne encore une grâce nouvelle ;
Elle l’anime : amour est un grand fard,
Et le plaisir embellit toute belle.
EtTrois mois entiers nos deux jeunes amants
Furent livrés à ces ravissements.
Du lit d’amour ils vont droit à la table.
Un déjeuner, restaurant délectable,
Rend à leurs sens leur première vigueur ;
Puis, pour la chasse épris de même ardeur,
Ils vont tous deux, sur des chevaux d’Espagne,
Suivre cent chiens jappants dans la campagne.
À leur retour on les conduit aux bains.
Pâtes, parfums, odeurs de l’Arabie,
Qui font la peau douce, fraîche, et polie[1],

  1. Dans une lettre au comte de Tressan (9 décembre 1736), Voltaire se plaint de ce que, dans les copies du Mondain, on ait écrit :

    Rendent sa peau douce, fraîche, et polie ;


    tandis qu’il fallait mettre :

    Rendent sa peau plus fraîche et plus polie.


    En composant le vers de la Pucelle auquel cette note se rapporte, il n’aperçut pas, à ce qu’il paraît, le pléonasme que semblent offrir les mots douce et polie, et qui l’avait choqué dans le vers du Mondain. (R.)