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LE POUR ET LE CONTRE.

Que j’expose à tes yeux le dangereux tableau
Des mensonges sacrés dont la terre est remplie,
Et que ma philosophie
T’apprenne à mépriser les horreurs du tombeau
Et les terreurs de l’autre vie.
Ne crois point qu’enivré des erreurs de mes sens,
De ma religion blasphémateur profane,
Je veuille avec dépit dans mes égarements
Détruire en libertin la loi qui les condamne.
Viens, pénètre avec moi, d’un pas respectueux,
Les profondeurs du sanctuaire
Du Dieu qu’on nous annonce, et qu’on cache à nos yeux.
Je veux aimer ce Dieu, je cherche en lui mon père :
On me montre un tyran que nous devons haïr.

Il créa des humains à lui-même semblables,
Afin de les mieux avilir ;

Il nous donna des cœurs coupables.
Pour avoir droit de nous punir ;

Il nous fit aimer le plaisir,
Pour nous mieux tourmenter par des maux effroyables,

Qu’un miracle éternel empêche de finir.
Il venait de créer un homme à son image :
On l’en voit soudain repentir,
Comme si l’ouvrier n’avait pas dû sentir
Les défauts de son propre ouvrage.
Aveugle en ses bienfaits, aveugle en son courroux,
À peine il nous fit naître, il va nous perdre tous.
Il ordonne à la mer de submerger le monde,
Ce monde qu’en six jours il forma du néant.
Peut-être qu’on verra sa sagesse profonde

Faire un autre univers plus pur, plus innocent :
Non ; il tire de la poussière
Une race d’affreux brigands,
D’esclaves sans honneur, et de cruels tyrans,

Plus méchante que la première.
Que fera-t-il enfin, quels foudres dévorants