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Effort de l’art, que dans l’histoire on vante.
Entre la ville et l’armée on passa,
Vers la poterne enfin on se plaça.
Talbot goûtait avec sa présidente
Les premiers fruits d’une union naissante,
Se promettant que du lit aux combats,
En vrai héros, il ne ferait qu’un pas.
Six régiments devaient suivre à la file.
L’ordre est donné. C’était fait de la ville.
Mais ses guerriers, de la veille engourdis,
Pétrifiés d’un sermon de Lourdis,
Bâillaient encore et se mouvaient à peine ;
L’un contre l’autre ils dormaient dans la plaine.
O grand miracle ! ô pouvoir de Denys !



Jeanne et Dunois, et la brillante élite
Des chevaliers qui marchaient à leur suite,
Bordaient déjà, sous les murs d’Orléans,
Les longs fossés du camp des assiégeants.
Sur un cheval venu de Barbari
Le seul que Charle eût dans son écurie,
Jeanne avançait, en tenant d’une main
De Débora l’estramaçon divin ;
A son côté pendait la noble épée
Qui d’Holopherne a la tête coupée
Notre Pucelle, avec dévotion,
Fit à Denys tout bas cette oraison :
" Toi qui daignas à ma faiblesse, obscure,
Dans Domremi, confier cette armure,
Sois le soutien de ma fragilité.
Pardonne-moi, si quelque vanité
Flatta mes sens quand ton âne infidèle
S’émancipa jusqu’à me trouver belle.
Mon cher patron, daigne te souvenir
Que c’est par moi que tu voulus punir
De ces Anglais les ardeurs enragées,
Qui polluaient des nonnes affligées.
Un plus grand cas se présente aujourd’hui :
Je ne puis rien sans ton divin appui.
Prête ta force au bras de ta servante ;
Il faut sauver la patrie expirante,
Il faut venger les lis de Charles sept,
Avec l’honneur du président Louvet.