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Y dépêchaient de longs _De profundis_.
Paul Tirconel assistait au service,
Non qu’il goûtât ce dévot exercice,
Mais au défunt il était attaché.
Du preux Chandos il était frère d’armes,
Fier comme lui, comme lui débauché,
Ne connaissant ni l’amour ni les larmes.
Il conservait un reste d’amitié
Pour Jean Chandos ; et dans sa violence
Il jurait Dieu qu’il en prendrait vengeance,
Plus par colère encor que par pitié.



Il aperçut du coin d’une fenêtre
Les deux chevaux qui s’amusaient à paître ;
Il va vers eux : ils tournent en ruant
Vers la fontaine, où l’un et l’autre amant
A ses transports en secret s’abandonne,
Occupés d’eux, et ne voyant personne.
Paul Tirconel, dont l’esprit inhumain
Ne souffrait pas les plaisirs du prochain,
Grinça des dents, et s’écria : " Profanes,
C’est donc ainsi, dans votre indigne ardeur,
Que d’un héros vous insultez les mânes !
Rebut honteux d’une cour sans pudeur,
Vils ennemis, quand un Anglais succombe,
Vous célébrez ce rare événement ;
Vous l’outragez au sein du monument,
Et vous venez vous baiser sur sa tombe !
Parle, est-ce toi, discourtois chevalier,
Fait pour la cour et né pour la mollesse,
Dont la main faible aurait, par quelque adresse,
Donné la mort à ce puissant guerrier ?
Quoi ! sans parler tu lorgnes ta maîtresse !
Tu sens ta honte, et ton cœur se confond. "



A ce discours La Trimouille répond :
" Ce n’est point moi ; je n’ai point cette gloire.
Dieu, qui conduit la valeur des héros,
Comme il lui plaît accorde la victoire.
Avec honneur je combattis Chandos ;
Mais une main qui fut plus fortunée
Aux champs de Mars trancha sa destinée ;
Et je pourrai peut-être dès ce jour





Punir aussi quelque Anglais à mon tour. "