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A ses genoux ces bonnes gens tombèrent
En soupirant, et de pleurs les baignèrent.
On les mena sous l’auvent d’un logis
Où Charle, Agnès, et la troupe dorée,
Après dîner passèrent la soirée.
Agnès eut soin que l’intendant Bonneau
Fît bien manger la troupe délivrée ;
On leur donna les restes du serdeau.



Charle et les siens assez gaiement soupèrent.,
Et puis Agnès et Charle se couchèrent.
En s’éveillant chacun fut bien surpris
De se trouver sans manteau, sans habits.
Agnès en vain cherche ses engageantes,
Son beau collier de perles jaunissantes,
Et le portrait de son royal amant.
Le gros Bonneau, qui gardait tout l’argent
Bien enfermé dans une bourse mince,
Ne trouve plus le trésor de son prince.
Linge, vaisselle, habits, tout est troussé,
Tout est parti. La horde griffonnante,
Sous le drapeau du gazetier de Nante,
D’une main prompte et d’un zèle empressé,
Pendant la nuit avait débarrassé
Notre bon roi de son leste équipage.
Ils prétendaient que pour de vrais guerriers,
Selon Platon, le luxe est peu d’usage.
Puis s’esquivant par de petits sentiers,
Au cabaret la proie ils partagèrent.
Là par écrit doctement ils couchèrent
Un beau traité, bien moral, bien chrétien,
Sur le mépris des plaisirs et du bien.
On y prouva que les hommes sont frères,
Nés tous égaux, devant tous partager
Les dons de Dieu, les humaines misères,
Vivre en commun pour se mieux soulager.
Ce livre saint, mis depuis en lumière,
Fut enrichi d’un docte commentaire
Pour diriger et l’esprit et le cœur[1],
Avec préface et l’avis au lecteur.



Du clément roi la maison consternée

  1. Voyez la note de la page 138.