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La belle Agnès, présente à l’entrevue,
S’attendrissait, se sentait tout émue.
Son cœur est bon : femme qui fait l’amour
A la douceur est toujours plus encline
Que femme prude ou bien femme héroïne.
" Mon roi, dit-elle, avouez que ce jour
Est fortuné pour cette pauvre race.
Puisque ces gens contemplent votre face,
Ils sont heureux, leurs fers seront brisés :
Votre visage est visage de grâce.
Les gens de loi sont des gens bien osés
D’instrumenter au nom d’un autre maître !
C’est mon amant qu’on doit seul reconnaître ;
Ce sont pédants en juges déguisés.
Je les ai tus, ces héros d’écritoire,
De nos bons rois ces tuteurs prétendus,
Bourgeois altiers, tyrans en robe noire,
A leur pupille ôter ses revenus,
Par-devant eux le citer en personne,
Et gravement confisquer sa couronne.
Les gens de bien qui sont à vos genoux
Par leurs arrêts sont traités comme vous ;
Protégez-les, vos causes sont communes :
Proscrit comme eux, vengez leurs infortunes. "



De ce discours le roi fut très-touché :
Vers la clémence il a toujours penché.
Jeanne, dont l’âme est d’espèce moins tendre,
Soutint au roi qu’il les fallait tous pendre ;
Que les Frélons, et gens de ce métier,
N’étaient tous bons qu’à garnir un poirier.
Le grand Dunois, plus profond et plus sage,
En bon guerrier tint un autre langage.
" Souvent, dit-il, nous manquons de soldats ;
Il faut des dos, des jambes, et des bras.
Ces gens en ont ; et dans nos aventures,
Dans les assauts, les marches, les combats,
Nous pouvons bien nous passer d’écritures.
Enrôlons-les ; mettons-leur dès demain,
Au lieu de rame, un mousquet à la main.
Ils barbouillaient du papier dans les villes ;
Qu’aux champs de Mars ils deviennent utiles. "
Du grand Dunois le roi goûta l’avis.