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De ceux qui vont sur les liquides plaines.
L’un est Fantin[1], prédicateur des grands,



Humble avec eux, aux petits débonnaire :
Sa piété ménagea les vivants ;
Et, pour cacher le bien qu’il savait faire,
Il confessait et volait les mourants.
L’autre est Brizet[2], directeur de nonnettes,
Peu soucieux de leurs faveurs secrètes,
Mais s’appliquant sagement les dépôts,
Le tout pour Dieu. Son âme pure et sainte
Méprisait l’or ; mais il était en crainte
Qu’il ne tombât aux mains des indévots[3].
Pour le dernier de la noble séquelle,
C’est mon soutien, c’est mon cher La Beaumelle[4],

  1. Il semble que ce chant de l'abbé Trithême soit une prophétie : en effet, nous avons vu un Fantin, docteur et curé à Versailles, qui fut aperçu volant un rouleau de cinquante louis à un malade qu'il confessait. Il fut chassé, mais il ne fut pas pendu. (Note de Voltaire, 1764.)
  2. Autre prophétie. Tout Paris a vu un abbé Brizet, fameux directeur de femmes de qualité, dissiper en débauches sourdes l'argent qu'il extorquait de ses dévotes, et qu'on lui remettait en dépôt pour le soulagement des pauvres. Il y a grande apparence que quelque homme instruit de nos mœurs a inséré une partie de cette tirade dans cette nouvelle édition du divin poëme de l'abbé Trithême. Il aurait bien dû dire un mot de l'abbé Lacoste, condamné à être marqué d'un fer chaud, et aux galères perpétuelles, on l'an de grâce 1759, pour plusieurs crimes de faux. (Id., 1764.) Cet abbé Lacoste avait travaillé avec Frelon à l’Année littéraire. (Id., 1773.) — L'abbé Brizet est le masque de Grizel. Dans l'édition qui fait partie du volume des Contes de Guillaume Vadé, au lieu des mots « divin poëme de l'abbé Trithême », on lisait « divin poëme de Jérôme Carré ». (R.)
  3. Tartuffe avait les mêmes principes de morale :
    · · · · · · Si je me résous à recevoir du père
    Cette donation qu'il a voulu me faire,
    Ce n'est, à dire vrai, que parce que je crains
    Que tout ce bien ne tombe en de méchantes mains :
    Qu'il ne trouve des gens qui, l'ayant en partage,
    En fassent dans le monde un criminel usage.
    Et ne s'en servent pas, ainsi que j'ai dessein,
    Pour la gloire du ciel et le bien du prochain.

    (Act. IV, sc. i.)
  4. La Beaumelle, natif d'un village près de Castres, prédicant quelque temps à Genève, précepteur chez M. de Boissy, puis réfugié à Copenhague. Chassé de ce pays, il alla à Gotha, où l'on vola la toilette d'une dame et ses dentelles; il s'enfuit avec la femme de chambre qui avait commis ce vol, ce qui est connu de toute la cour de Gotha. Il a été mis au cachot deux fois à Paris, ensuite en a été banni : et ce malheureux a trouvé enfin de la protection. C'est lui qui est l'auteur d'un mauvais petit ouvrage intitulé Mes Pensées, dans lequel il vomit les plus lâches injures contre presque tous les gens en place. C'est lui qui a falsifié les Lettres de madame de Maintenon, et les a fait imprimer avec les notes les plus scandaleuses et les