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PRÉFACE
DE DOM APULEIUS RISORIUS
BÉNÉDICTIN.




Remercions la bonne âme par laquelle une Pucelle nous est venue. Ce poëme héroïque et moral fut composé vers l’an 1730, comme les doctes le savent, et comme il appert par plusieurs traits de cet ouvrage. Nous voyons dans une lettre de 1740[1], imprimée dans le Recueil des opuscules d’un grand prince, sous le nom du Philosophe de Sans-Souci, qu’une princesse d’Allemagne, à laquelle on avait prêté le manuscrit, seulement pour le lire, fut si édifiée de la circonspection qui règne dans un sujet si scabreux, qu’elle passa un jour et une nuit à le faire copier, et à transcrire elle-même tous les endroits les plus moraux. C’est cette même copie qui nous est enfin parvenue. On a souvent imprimé des lambeaux de notre Pucelle[2], et les vrais amateurs de la saine littérature ont été bien scandalisés de la voir si horriblement défigurée[3]. Des éditeurs l’ont donnée en quinze chants, d’autres en seize, d’autres en dix-huit, d’autres en vingt-quatre, tantôt en coupant un chant en deux, tantôt en remplissant des lacunes par des vers que le cocher de Verthamon[4],

  1. Cette lettre est du 22 février 1747. « Vous avez, dit Frédéric, prêté votre Pucelle à la duchesse de Wurtemberg ; apprenez qu’elle l’a fait copier pendant la nuit. » (R.)
  2. Voyez l’avertissement de Beuchot.
  3. Lorsque ces éditions parurent, M. de Voltaire crut devoir les désavouer par une lettre adressée à l’Académie française. (K.) — Cette lettre, qui est de novembre 1755, et probablement du 14 de ce mois, se trouve dans la Correspondance de Voltaire, ainsi que la réponse de Duclos, au nom et comme secrétaire de l’Académie. (R.)
  4. Il est assez fréquemment parlé, dans les ouvrages de Voltaire, de ce cocher de Verthamon, qui eut, dans son temps, quelque célébrité parmi le peuple, comme avant lui le Savoyard Philipot, immortalisé par Boileau. Il se nommait Estienne, et « faisait toutes les chansons du Pont-Neuf », dit un manuscrit de l’époque. Il était mort en 1724. (R.)