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Du tentateur lui contait quelque histoire
Divertissante, et sans réflexions,
Sous l’agrément déguisant ses leçons.
A quelques pas, La Trimouille et sa dame
S’entretenaient de leur fidèle flamme,
Et du dessein de vivre ensemble un jour
Dans leur château, tout entiers à l’amour.
Dans leur chemin la main de la nature
Tend sous leurs pieds un tapis de verdure,
Velours uni, semblable au pré fameux
Où s’exerçait la rapide Atalante.
Sur le duvet de cette herbe naissante,
Agnès approche et chemine avec eux.
Le confesseur suivit la belle errante.
Tous quatre allaient, tenant de beaux discours
De piété, de combats, et d’amours.
Sur les Anglais, sur le diable on raisonne.
En raisonnant on ne vit plus personne.
Chacun fondait doucement, doucement,
Homme et cheval, sous le terrain mouvant.
D’abord les pieds, puis le corps, puis la tête,
Tout disparut, ainsi qu’à cette fête
Qu’en un palais d’un auteur cardinal
Trois fois au moins par semaine on apprête,
A l’opéra[1], souvent joué si mal,
Plus d’un héros à nos regards échappe,
Et dans l’enfer descend par une trappe.



Monrose vit du rivage prochain
La belle Agnès, et fut tenté soudain
De Venir rendre à l’objet qu’il observe
Tout le respect que son âme conserve.
Il passe un pont ; mais il devient perclus,
Quand la voyant son œil ne la vit plus.
Froid comme marbre, et blême comme gypse,
Il veut marcher, mais lui-même il s’éclipse.



Paul Tirconel, qui de loin l’aperçut,
A son secours à grand galop courut.
En arrivant sur la place funeste,
Paul Tirconel y fond avec le reste.

  1. La salle de l'Opéra était à l'est du Palais-Cardinal (aujourd'hui Palais-Royal ),
    presque sur l’emplacement de la cour des Fontaines. (G. A.)