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Avec prudence ils avaient tout prévu,
Avec adresse à tout ils ont pourvu.
L’huile bouillante et la poix embrasée,
De pieux pointus une forêt croisée,
De larges faux que leur tranchant effort
Fait ressembler à la faux de la Mort,
Et des mousquets qui lancent les tempêtes
De plomb volant sur les bretonnes têtes,
Tout ce que l’art et la nécessité,
Et le malheur, et l’intrépidité,
Et la peur même, ont pu mettre en usage,
Est employé dans ce jour de carnage.
Que de Bretons bouillis, coupés, percés,
Mourants en foule, et par rangs entassés !
Ainsi qu’on voit sous cent mains diligentes
Choir les épis des moissons jaunissantes.



Mais cet assaut fièrement se maintient ;
Plus il en tombe, et plus il en revient[1].
De l’hydre affreux les têtes menaçantes,
Tombant à terre, et toujours renaissantes,
N’effrayaient point le fils de Jupiter ;
Ainsi l’Anglais, dans les feux, sous le fer,
Après sa chute encor plus formidable,
Brave en montant le nombre qui l’accable.



Tu t’avançais sur ces remparts sanglants,
Fier Richemont, digne espoir d’Orléans.
Cinq cents bourgeois, gens de cœur et d’élite,
En chancelant marchent sous sa conduite,
Enluminés du gros vin qu’ils ont bu ;
Sa sève encor animait leur vertu ;
Et Richemont criait d’une voix forte :
" Pauvres bourgeois, vous n’avez plus de porte,
Mais vous m’avez, il suffit, combattons. "
Il dit, et vole au milieu des Bretons.
Déjà Talbot s’était fait un passage
Au haut du mur, et déjà dans sa rage
D’un bras terrible il porte le trépas.

  1. Voltaire a dit depuis, dans le Pauvre Diable, vers 25-27 :
    · · · · · · · · · · En vain Mars en fureur
    De la patrie a moissonné la fleur,
    Plus on en tue, et plus il s'en présente.