Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

222 CHANT XIV [2]

  • Et dont lc5jcux ne sont point jeux d'enfants,
  • A deux carquois tout à fait diiTcrcnts.

'L'un a des traits dont la douce piqûre

  • Se fait sentir sans dan;j:er, sans douleur,

'Croit par le tenij)s, pénètre au fond du cœur,

  • Et vous y laisse une vive blessure.

"Les autres traits sont un feu dévorant, 'Dont le coup part et brûle au même instant;

  • Dans les cinq sens il porte le ravage;
  • Un rouge vif allume le visage,
  • D'un nouvel être on se croit animé,
  • D'un nouveau sang le corps est enflammé;

'On n'entend rien, le regard étincelle 1.

  • L'eau sur le feu bouillonnant à grand bruit,

' Qui sur ses bords s'élève, échappe, et fuit,

  • N'est qu'une image imparfdte, infidèle,

'De ces désirs dont l'excès vous poursuit 2. Vous connaissez tous ces états, mes frères; Mais ce tyran de nos anses légères,

Ce dieu fripon, cet étourdi d'Amour, Faisait alors un bien plus plaisant tour

11 fit loger, entre Blois et Cutcndre, Une beauté dont les aimables traits Auraient passé tous les charmes d'Agnès Si cette belle avait eu le cœur tendre, Beau don qui vaut tous les autres attraits. C'était la jeune et sotte Corisandre.

L'Amour voulut que tout l'oi, chevalier. Homme d'église, et jeune bachelier. Dès qu'il verrait cette belle imbécile, Perdît le sens à se faire lier. Mais les valets, le peuple, espèce vile. Étaient exempts de la bizarre loi : Il fallait être ou noble, ou prêtre, ou roi, Pour être fou. Ce n'est pas tout encore : L'art d'Esculape et cent grains d'ellébore Contre ce mal étaient un vain secours ; Et la cervelle empirait tous les jours, Jusqu'au moment où la belle innocente Pour quelque amant serait compatissante :

ici, pour la première fois, imprimé correctement, d'après le manuscrit de l'auteur. Il a été supprimé dans l'édition de 1762 et les suivantes. (K.'i — Le chant de Corisandre parut pour la première fois dans l'édition de 1756. (R.)

1. Variante; édition de 1756.

Sans réfléchir, le geste et l'acte suit. L'eau sur le feu bouillorinant ù grand bruit, Qui, sur les bords du broc qui la recMo, S'élève, court, s'échappe, tombe, ot fuit. N'est qu'une image imparfaite, infldôle, Du fou d'amour quand en nous il agit. Vous connaissez... (K.J

2. Quelques vers qui appartenaient primitivement au chant de Corisandre ont été trans- portés par Voltaire dans d'autres endroits de son poëme quand il se décida à supprimer en entier cet épisode. Ainsi les dix-neuf vers qui précèdent servent aujourd'hui d'argument au chant vingt et unième. Ils faisaient partie du chant XV dans les éditions de 1735. (R.)

�� �