Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

La fière Jeanne appuya ce discours.
" Du ciel, dit-elle, acceptons le secours ;
Venez, grand prince, et rejoignons l’armée,
De votre absence à bon droit alarmée. "



Sans balancer, La Trimouille et Dunois
De cet avis furent à haute voix.
Par ce héros la belle Dorothée
Honnêtement au roi fut présentée.
Agnès la baise, et le noble escadron
Sortit enfin du logis du baron.



Le juste ciel aime souvent à rire
Des passions du sublunaire empire.
Il regardait cheminer dans les champs
Cet escadron de héros et d’amants.
Le roi de France allait près de sa belle,
Qui, s’efforçant d’être toujours fidèle,
Sur son cheval la main lui présentait,
Serrait la sienne, exhalait sa tendresse,
Et cependant, ô comble de faiblesse !
De temps en temps le beau page lorgnait.
Le confesseur psalmodiant suivait,
Des voyageurs récitait la prière,
S’interrompait en voyant tant d’attraits,
Et regardait avec des yeux distraits
Le roi, le page, Agnès, et son bréviaire.
Tout brillant d’or, et le cœur plein d’amour,
Ce La Trimouille, ornement de la cour,
Caracolait auprès de Dorothée
Ivre de joie, et d’amour transportée,
Qui le nommait son cher libérateur,
Son cher amant, l’idole de son cœur.
Il lui disait : " Je veux, après la guerre,
Vivre à mon aise avec vous dans ma terre
O cher objet, dont je suis toujours fou !
Quand serons-nous tous les deux en Poitou ? "



Jeanne auprès d’eux, ce fier soutien du trône,
Portant corset et jupon d’amazone,
Le chef orné d’un petit chapeau vert,
Enrichi d’or et de plumes couvert,
Sur son fier âne étalait ses gros charmes,
Parlait au roi, courait, allait le pas,
Se rengorgeait et soupirait tout bas