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Si l’on en croit un auteur véridique,
Au paladin amoureux d’Angélique :
Rends-moi la mienne, ô Jean, second du nom !
Tu protégeas ce chantre aimable et rare
Qui réjouit les seigneurs de Ferrare
Par le tissu de ses contes plaisants ;
Tu pardonnas aux vives apostrophes
Qu’il t’adressa dans ses comiques strophes :
Étends sur moi tes secours bienfaisants ;
J’en ai besoin, car tu sais que les gens
Sont bien plus sots et bien moins indulgents
Qu’on ne l’était au siècle du génie,
Quand l’Arioste illustrait l’Italie.
Protège-moi contre ces durs esprits,
Frondeurs pesants de mes légers écrits.
Si quelquefois l’innocent badinage
Vient en riant égayer mon ouvrage,
Quand il le faut je suis très-sérieux ;
Mais je voudrais n’être point ennuyeux.
Conduis ma plume, et surtout daigne faire
Mes compliments à Denys ton confrère.



En accourant, la fière Jeanne d’Arc
D’une lucarne aperçut dans le parc
Cent palefrois, une brillante troupe
De chevaliers portant dames en croupe,
Et d’écuyers qui tenaient dans leurs mains
Tout l’attirait des combats inhumains,
Cent boucliers où des nuits la courrière
Réfléchissait sa tremblante lumière ;
Cent casques d’or d’aigrettes ombragés,
Et les longs bois d’un fer pointu chargés,
Et des rubans dont les touffes dorées
Pendaient au bout des lances acérées.
Voyant cela, Jeanne crut fermement
Que les Anglais avaient surpris Cutendre :
Mais Jeanne d’Arc se trompa lourdement.
En fait de guerre on peut bien se méprendre,
Ainsi qu’ailleurs : mal voir et mal entendre
De l’héroïne était souvent le cas,
Et saint Denys ne l’en corrigea pas.



Ce n’étaient point des enfants d’Angleterre,
Qui de Cutendre avaient surpris la terre ;