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Pour saint Denys de leur honneur chargé.
Denys la voit qui donne avec audace
Cent coups de sabre à sa propre cuirasse,
A son armet d’une aigrette ombragé.
Au mont Etna, dans leur forge brûlante[1],
Du noir Vulcain les borgnes compagnons
Font retentir l’enclume étincelante
Sous des marteaux moins pesants et moins prompts,
En préparant au maître du tonnerre
Son gros canon trop bravé sur la terre.



Le fier Anglais, de fer enharnaché,
Recule un pas ; son âme est stupéfaite,
Quand il se voit si rudement touché
Par une jeune et fringante brunette.
La voyant nue, il sentit des remords ;
Sa main tremblait de blesser ce beau corps.
Il se défend, et combat en arrière,
De l’ennemie admirant les trésors,
Et se moquant de sa vertu guerrière.



Saint Georges alors du sein du paradis,
Ne voyant plus son confrère Denys,
Se douta bien que le saint de la France
Portait aux siens sa divine assistance.
Il promenait ses regards inquiets
Dans les recoins du céleste palais.
Sans balancer aussitôt il demande
Son beau cheval connu dans la Légende.
Le cheval vint ; George le bien monté[2],
La lance au poing, et le sabre au côté,
Va parcourant cet effroyable espace
Que des humains veut mesurer l’audace ;
Ces cieux divers, ces globes lumineux
Que fait tourner René le songe-creux[3]

  1. Cette comparaison se retrouvera dans le chant de Corisandre (191-196) après les variantes du chant XIII, (R.)
  2. Il est indubitable qu'on représente toujours saint George sur un beau cheval, et de là vient le proverbe, monté comme un saint George. (Note de Voltaire, 1762.)
  3. Allusion aux tourbillons de Descartes et à sa matière subtile, imaginations ridicules, et qui ont eu si longtemps la vogue. On ne sait pourquoi l'auteur applique aussi l'épithète de rêveur à Newton, qui a prouvé le vide; c'est apparemment parce que Newton soupçonne qu'un esprit extrêmement élastique est la cause de la gravitation; au reste, il ne faut pas prendre une plaisanterie à la lettre. (Id., 1762.)