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Aux yeux du prince ils travaillent, ils suent ;
Puis, louant Dieu, tous ensemble ils concluent
Que ce grand roi peut dormir en repos,
Qu’il est le seul, parmi tous les héros,
A qui le ciel, par sa grâce infinie,
Daigne octroyer une fidèle amie ;
Qu’Agnès est sage, et fuit tous les amants :
Puis fiez-vous à messieurs les savants !



Cet aumônier terrible, inexorable,
Avait saisi le moment favorable :
Malgré les cris, malgré les pleurs d’Agnès,
Il triomphait de ses jeunes attraits,
Il ravissait des plaisirs imparfaits ;
Transports grossiers, volupté sans tendresse,
Triste union sans douceur, sans caresse,
Plaisirs honteux qu’Amour ne connaît pas :
Car qui voudrait tenir entre ses bras
Une beauté qui détourne la bouche,
Qui de ses pleurs inonde votre couche ?
Un honnête homme a bien d’autres désirs :
Il n’est heureux qu’en donnant des plaisirs.
Un aumônier n’est pas si difficile ;
Il va piquant sa monture indocile,
Sans s’informer si le jeune tendron
Sous son empire a du plaisir ou non.



Le page aimable, amoureux et timide,
Qui dans le bourg était allé courir,
Pour dignement honorer et servir
La déité qui de son sort décide,
Revint enfin. Las ! il revint trop tard.
Il entre, il voit le damné de frappart,
Qui, tout en feu, dans sa brutale joie
Se démenait et dévorait sa proie.
Le beau Monrose, à cet objet fatal,
Le fer en main, vole sur l’animal.
Du chapelain l’impudique furie
Cède au besoin de défendre sa vie ;
Du lit il saute, il empoigne un bâton,
Il s’en escrime, il accole le page.
Chacun des deux est brave champion ;
Monrose est plein d’amour et de courage,
Et l’aumônier de luxure et de rage.