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et je n’y ai pas trouvé les vers du chant II (voyez page 46) qu’on appliquait à Mme de Pompadour :

Telle plutôt cette heureuse grisette, etc.


Ces vers ne sont pas non plus dans les premières éditions, de 1755.

Il en est de même de l’hémistiche du chant quinzième sur Louis XV :

.....qu’on méprise et qu’on aime.

On se demande si des éditeurs qui auraient fait de tels vers ne pouvaient pas ailleurs être aussi bien inspirés. Mais s’il leur était impossible de prendre la manière de Voltaire, il lui était très-facile de faire des vers ridicules ou répréhensibles sous divers rapports.

Je suis d’autant plus porté à adopter l’opinion de Palissot, que des vers cités par Voltaire, et signalés par lui comme affreux[1], ne se trouvent dans aucune des éditions ni dans aucun des manuscrits que j’ai vus. Voltaire, que le fanatisme voulait arracher de son asile, sans lui en laisser aucun autre, devait tout employer pour faire échouer le projet de ses ennemis. Aussi écrivait-il à d’Argental[2] : « Il n’y a pas de parti que je ne prenne, ni de dépense que je ne fasse très-volontiers, pour supprimer ce qu’on fait courir sous mon nom avec tant d’injustice. » Voltaire ne pouvait avoir l’idée d’anéantir tous les manuscrits. Il savait depuis longtemps qu’il existait « trop de copies de cette dangereuse plaisanterie[3] ». Il voulait donc parler du singulier moyen de défense révélé par Palissot.

Il est probable toutefois que quelques vers, omis ou estropiés par les copistes, ont été rétablis ou corrigés par les premiers éditeurs. Il est possible même qu’ils aient méchamment changé ou défiguré des vers ou des passages ; mais leur part ne me paraît pas facile à faire, et ne doit pas être bien grande.

Grasset, libraire de Lausanne, était venu, le 26 juillet 1755, offrir à Voltaire de racheter cinquante louis un manuscrit dont l’impression était commencée, et dont il montra une feuille manuscrite[4]. Mis en prison, Grasset avoua qu’il tenait cette feuille de Maubert[5] ; ce capucin défroqué, interrogé à son tour, répondit qu’il l’avait reçue de Lausanne[6]. Les magistrats de Genève conseillèrent à Grasset « de vider la ville[7] », et déclarèrent a Maubert qu’on s’en prendrait à lui si la Pucelle était imprimée. Maubert et Grasset, sortis de Genève, n’avaient qu’à se moquer des magistrats.

  1. Lettres à d’Argental, du 28 juillet ; à Richelieu, du 31 juillet ; à Thieriot, du 10 septembre 1755 : voyez aussi page 38.
  2. 23 mai 1755.
  3. Lettre à d’Argental, du 8 septembre 1754.
  4. Lettres à d’Argental, 28 juillet ; à Brenles, le 29 juillet ; au syndic de Genève, le 2 août; à Thieriot, le 4 août.
  5. Lettre à Darget, du 5 août.
  6. Lettre à Brenles, du 5 août.
  7. Lettre à Polier de Bottens, du 5 août 1755.