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De mille feux dont notre œil s’éblouit :
Un éclair passe, un autre éclair le suit.



Le Poitevin adresse une apostrophe
Droit au menton du superbe Christophe ;
Puis en arrière il saute allègrement,
Toujours en garde ; et Christophe à l’instant
Engage en tierce, et, serrant la mesure,
Au ferrailleur inflige une blessure
Sur une cuisse ; et de sang empourpré
Ce bel ivoire est teint et bigarré.



Ils s’acharnaient à cette noble escrime,
Voulant mourir pour jouir de l’estime
De leur maîtresse, et pour bien décider
Quelle beauté doit à l’autre céder ;
Lorsqu’un bandit des États du saint-père
Avec sa troupe entra dans ces cantons
Pour s’acquitter de ses dévotions.



Le scélérat se nommait Martinguerre,
Voleur de jour, voleur de nuit, corsaire,
Mais saintement à la Vierge attaché,
Et sans manquer récitant son rosaire,
Pour être pur et net de tout péché.
Il aperçut sur le pré les deux belles,
Et leurs chevaux, et leurs brillantes selles,
Et leurs mulets chargés d’or et d’_agnus._
Dès qu’il les vit, on ne les revit plus.
Il vous enlève et Judith Rosamore,
Et Dorothée, et le bagage encore,
Mulets, chevaux, et part comme un éclair.



Les champions tenaient toujours en l’air,
A poing fermé, leurs brandissantes lames,
Et ferraillaient pour l’honneur de ces dames.
Le Poitevin s’avise le premier
Que sa maîtresse est comme disparue.
Il voit de loin courir son écuyer ;
Il s’ébahit, et son arme pointue
Reste en sa main sans force et sans effet.
Sire Arondel demeure stupéfait.
Tous deux restaient la prunelle effarée,
Bouche béante, et la mine égarée,
L’un contre l’autre. " Oh ! oh ! dit le Breton,
Dieu me pardonne, on nous a pris nos belles ;