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« Dieu, reprit-elle, ô Dieu qui m’exaucez,
Quoi ! vos bontés font voler à mon aide
Ce grand Dunois, ce bras à qui tout cède!
Ah! qu’on voit bien d’où vous tenez le jour,
Charmant bâtard, cœur noble, âme sublime !
Le tendre Amour me faisait sa victime ;
Mon salut vient d’un enfant de l’Amour.
Le ciel est juste, et l’espoir me ranime.

« Vous saurez donc, brave et gentil Dunois,
Que mon amant, au bout de quelques mois.
Fut obligé de partir pour la guerre,
Guerre funeste, et maudite Angleterre !
Il écouta la voix de son devoir.
Mon tendre amour était au désespoir.
Un tel état vous est connu sans doute.
Et vous savez, monsieur, ce qu’il en coûte.
Ce fier devoir fit seul tous nos malheurs ;
Je l’éprouvais en répandant des pleurs :
Mon cœur était forcé de se contraindre.
Et je mourais, mais sans pouvoir me plaindre.
Il me donna le présent amoureux
D’un bracelet fait de ses blonds cheveux,
Et son portrait qui, trompant son absence,
M’a fait cent fois retrouver sa présence.
Un cher écrit surtout il me laissa,
Que de sa main le ferme Amour traça.
C’était, monsieur, une juste promesse,
Un sûr garant de sa sainte tendresse :
On y lisait : « Je jure par l’Amour,
« Par les plaisirs de mon âme enchantée,
« De revenir bientôt en cette cour,
« Pour épouser ma chère Dorothée, »
Las! il partit, il porta sa valeur
Dans Orléans, Peut-être il est encore
Dans ces remparts où l’appela l’honneur.
Ah ! s’il savait quels maux et quelle horreur
Sont, loin de lui, le prix de mon ardeur!
Non, juste ciel ! il vaut mieux qu’il l’ignore,
« Il partit donc ; et moi, je m’en allai.
Loin des soupçons d’une ville indiscrète,
Chercher aux champs une sombre retraite,
Conforme aux soins de mon cœur désolé,