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Gentil Dunois, sur ton ânon monté,
En ce beau lieu tu te vis transporté.
Ton nom fameux, qu’avec justice on fête,
Était corné par la trompette honnête.
Tu regardas ces miroirs si polis
O quelle joie enchantait tes esprits !
Car tu voyais dans ces glaces brillantes
De tes vertus les peintures vivantes ;
Non seulement des sièges, des combats,
Et ces exploits qui font tant de fracas,
Mais des vertus encor plus difficiles ;
Des malheureux, de tes bienfaits chargés,
Te bénissant au sein de leurs asiles ;
Des gens de bien à la cour protégés ;
Des orphelins de leurs tuteurs vengés.
Dunois ainsi, contemplant son histoire,
Se complaisait à jouir de sa gloire.
Son âne aussi, s’amusant à se voir,
Se pavanait de miroir en miroir.



On entendit, dessus ces entrefaites,
Sonner en l’air une des deux trompettes ;
Elle disait : " Voici l’horrible jour
Où dans Milan la sentence est dictée ;
On va brûler la belle Dorothée :
Pleurez, mortels, qui connaissez l’amour.
— Qui ? dit Dunois ; qu’elle est donc cette belle ?
Qu’a-t-elle fait ? pourquoi la brûle-t-on ?
Passe, après tout, si c’est une laidron ;
Mais dans le feu mettre un jeune tendron,
Par tous les saints, c’est chose trop cruelle !
Les Milanais ont donc perdu l’esprit ? "
Comme il parlait, la trompette reprit :
" O Dorothée, ô pauvre Dorothée !
En feu cuisant tu vas être jetée,
Si la valeur d’un chevalier loyal
Ne te recout de ce brasier fatal. "



A cet avis, Dunois sentit dans l’âme
Un prompt désir de secourir la dame ;

    une église pour y voler dos calices. (Note de Voltaire, 1773.) — Voyez, sur Sabatier, nomme ici Savatier par dérision, et sur tous ces autres messieurs, le texte et les notes du dix-huitième chant. (K.)