Qui ne peut ni servir, ni vivre en liberté[1].
Ses peuples sous son règne ont oublié leurs pertes ;
De leurs troupeaux féconds leurs plaines sont couvertes,
Les guérets de leurs blés, les mers de leurs vaisseaux ;
Ils sont craints sur la terre, ils sont rois sur les eaux ;
Leur flotte impérieuse, asservissant Neptune,
Des bouts de l’univers appelle la fortune :
Londres, jadis barbare, est le centre des arts,
Le magasin du monde, et le temple de Mars.
Aux murs de Westminster on voit paraître ensemble[2]
Trois pouvoirs étonnés du nœud qui les rassemble,
Les députés du peuple, et les grands, et le roi,
Divisés d’intérêt, réunis par la loi ;
Tous trois membres sacrés de ce corps invincible,
Dangereux à lui-même, à ses voisins terrible[3].
Heureux lorsque le peuple, instruit dans son devoir,
Respecte, autant qu’il doit, le souverain pouvoir !
Plus heureux lorsqu’un roi, doux, juste, et politique,
Respecte, autant qu’il doit, la liberté publique !
« Ah ! s’écria Bourbon, quand pourront les Français
Réunir, comme vous, la gloire avec la paix ?
Quel exemple pour vous, monarques de la terre !
Une femme a fermé les portes de la guerre ;
Et, renvoyant chez vous la discorde et l’horreur,
D’un peuple qui l’adore elle a fait le bonheur. »
Cependant il arrive à cette ville immense,
Où la liberté seule entretient l’abondance.
Du vainqueur[4] des Anglais il aperçoit la tour.
Plus loin, d’Élisabeth est l’auguste séjour.
Suivi de Mornay seul, il va trouver la reine,
Sans appareil, sans bruit, sans cette pompe vaine
- ↑ Imitation de Tacite (Hist., livre Ier) : « Qui nec totam sorvitutem, nec totam libertatem pati possunt. »
- ↑ C'est à Westminster que s'assemble le parlement d'Angleterre : il faut le concours de la chambre des communes, de celle des pairs, et le consentement du roi, pour fairee des lois. (Note de Voltaire, 1730.)
- ↑ Vers célèbres sur la fameuse pondération des pouvoirs. Ils furent cités souvent en 1789, et au xixe siècle, pendant la durée de la royauté constitutionnelle. (G. A.)
- ↑ La tour de Londres est un vieux château bâti près de la Tamise par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie. (Note de Voltaire, 1730.)