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Souvent le désespoir a gagné des batailles ;
J’attends tout de nous seuls, et rien de nos murailles.
Héros qui m’écoutez, volez aux champs de Mars ;
Peuples qui nous suivez, vos chefs sont vos remparts. »
Il se tut à ces mots : les ligueurs en silence
Semblaient de son audace accuser l’imprudence.
Il en rougit de honte, et dans leurs yeux confus
Il lut, en frémissant, leur crainte et leur refus.
« Eh bien ! poursuivit-il, si vous n’osez me suivre,
Français, à cet affront je ne veux point survivre.
Vous craignez les dangers ; seul je m’y vais offrir,
Et vous apprendre à vaincre, ou du moins a mourir[1]. »
De Paris à l’instant il fait ouvrir la porte ;
Du peuple qui l’entoure il éloigne l’escorte ;
Il s’avance : un héraut, ministre des combats,
Jusqu’aux tentes du roi marche devant ses pas,
Et crie à haute voix : « Quiconque aime la gloire,
Qu’il dispute en ces lieux l’honneur de la victoire :
D’Aumale vous attend ; ennemis, paraissez. »
Tous les chefs, à ces mots, d’un beau zèle poussés,
Voulaient contre d’Aumale essayer leur courage :
Tous briguaient près du roi cet illustre avantage ;
Tous avaient mérité ce prix de la valeur :
Mais le vaillant Turenne emporta cet honneur.
Le roi mit dans ses mains la gloire de la France.
« Va, dit-il, d’un superbe abaisser l’insolence ;
Combats pour ton pays, pour ton prince, et pour toi,
Et reçois, en partant, les armes de ton roi. »
Le héros, à ces mots, lui donne son épée.
« Votre attente, ô grand roi ! ne sera point trompée,
Lui répondit Turenne embrassant ses genoux :
J’en atteste ce fer, et j’en jure par vous. »
Il dit. Le roi l’embrasse, et Turenne s’élance
Vers l’endroit où d’Aumale, avec impatience,
Attendait qu’à ses yeux un combattant parût.
Le peuple de Paris aux remparts accourut ;

  1. Scudéry, dans Alaric, a dit :
    Allons chercher à vaincre, ou du moins à mourir.