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Mon fils, il eût compté ses jours par ses bienfaits[1] ;
Il eût aimé son peuple. Ô jours remplis d’alarmes
Oh ! combien les Français vont répandre de larmes,
Quand sous la même tombe ils verront réunis
Et l’époux et la femme, et la mère et le fils !
« Un faible rejeton[2] sort entre les ruines[3]
De cet arbre fécond coupé dans ses racines.
Les enfants de Louis, descendus au tombeau,
Ont laissé dans la France un monarque au berceau,
De l’État ébranlé douce et frêle espérance.
Ô toi, prudent Fleury, veille sur son enfance ;
Conduis ses premiers pas, cultive sous tes yeux
Du plus pur de mon sang le dépôt précieux !
Tout souverain qu’il est, instruis-le à se connaître :
Qu’il sache qu’il est homme en voyant qu’il est maître ;
Qu’aimé de ses sujets, ils soient chers à ses yeux :
Apprends-lui qu’il n’est roi, qu’il n’est né que pour eux.
France, reprends sous lui ta majesté première,
Perce la triste nuit qui couvrait ta lumière ;
Que les arts, qui déjà voulaient t’abandonner,
De leurs utiles mains viennent te couronner !
L’Océan se demande, en ses grottes profondes,
Où sont tes pavillons qui flottaient sur ses ondes.
Du Nil et de l’Euxin, de l’Inde et de ses ports,
Le Commerce t’appelle, et t’ouvre ses trésors.
Maintiens l’ordre et la paix, sans chercher la victoire ;
Sois l’arbitre des rois ; c’est assez pour ta gloire :
Il t’en a trop coûté d’en être la terreur.
« Près de ce jeune roi s’avance avec splendeur
Un héros[4] que de loin poursuit la calomnie,

  1. Rousseau, dans son Ode à la Fortune, avait dit :
    Et qui, père de la patrie,
    Compte ses jours par ses bienfaits.
  2. Ce poëme fut composé dans l’enfance de Louis XV. (Note de Voltaire, 1733.)
  3. Imitation de Racine (Athalie, acte I, scène i re) :
    Le ciel même peut-il réparer les ruines
    De cet arbre séché jusque dans ses racines ?
  4. Vrai portrait de Philippe, duc d'Orléans, régent du royaume. (Note de Voltaire, 1746.)